Aller, du nerf ! La novice avait encore sa patte sur ses yeux, cachant vainement ses yeux des rayons agressifs du soleil. La jeunette se leva, s’étira et contempla les autres apprentis. Ils avaient finalement réussis à tous se placer dans l’antre qui leur était réservée. Certes, ils étaient un peu collés, mais ce n’était pas vraiment grave. À son côté, nombres de novices étaient serrés entre eux. Les deux Clans étaient mélangés, et ça et là, des places vides laissaient respirer la pièce. La bicolore se faufila vers la sortie, gratifiée de quelques bougonnements. Une fois dehors, elle vit que le soleil n’était pas bien haut, mais que bon nombre de guerriers étaient déjà actifs. Elle partit vers le tas de gibier d’où elle sortit une sardine. Balayant le camp de son regard bleu, elle remarqua une place près de Nuage Doré et de Poussière de Sable. Elle se coucha entre eux, écoutant leur conversation d’une oreille distraite. En mâchant son poisson, elle cherchait des yeux un des Chefs ou sa mentor, la lieutenante, pour se renseigner sur les tâches à faire. Elle mit un certain temps à ce rendre compte qu’elle était seule, couchée par terre et que les deux chattes étaient parties ailleurs.

Où étaient-donc les responsables des Clans ? Elle interrogea plusieurs matous mais aucuns ne pouvait lui répondre… Soudain, un miaulement sonore la héla, c’était Etoile d’Aurore. Elle lui dit qu’au lieu de traîner dans le camp, elle pouvait partir en patrouille avec une guerrière du Clan de la Terre, pour mesurer plus amplement les dégâts de l’incendie sur les terres du clan rescapé. Etoile d’Argile avait donné son accord et Plume de Broussaille était déjà sur le qui-vive à l’entrée du camp. La novice s’élança à sa rencontre, échangea quelques mots sur la direction à prendre et elles partirent toute deux vers les terres noircie du Clan de la Terre. Nuage de Bulle avait proposé un autre itinéraire que celui initial, pour ne pas avoir à passer pas la mare. Avec ses pattes courtes, la novice devait cavaler derrière la chatte, mais grâce à ses entraînements sur la vitesse, elle pouvait tenir le rythme plutôt aisément. Elle ne regardait pas vraiment le paysage. Toute cette cendre, ce noir et ce charbon, très peu pour elle. Plus elle observait ces paysages désolés, plus sa phobie du feu la faisait angoisser. Arrivées devant un grand tronc de charbon, l’apprentie se sépara de la chasseuse pour pouvoir couvrir une plus grande zone.

Elle avançait prudemment entre les racines calcinées, quel désastre… Le Clan du Sable n’avait pas trop était touché par l’incendie, et c’était une chance. Elle plaignait tous les chats du Clan adverse qui devaient supporter de voir leur ancien habitat si ravagé. Elle regardait autour d’elle, à la recherche d’un point d’eau, de coin de végétation, un espoir, quelque chose qui montrerait à la petite que cette forêt n’était pas morte… Elle avancée, sans savoir où, elle laissait ses pattes marcher toute seule, elle n’était plus sur terre. Elle était revenue à cette nuit terrible, devant elle, les arbres consumés étaient en flammes. Tout était rouge, brillait d’une lueur destructrice. LA petite courue jusque dans un arbre et y grimpa. Elle se recroquevilla sur elle-même, prête à crier d’effroi quand un bruit sourd s’éleva, puis des miaulements. Le feu avait disparu, l’arbre où elle avait trouvé refuge était un amas de bois noir, mais la poussière de la cendre soulevée formait un nuage au-dessus d’une partie proche de la forêt. Elle sauta de son perchoir et accourue vers la source du bruit. La novice grimpa sur un tronc d’arbre couché pour regarder le minuscule contrebat et y vit Plume de Broussaille et un chat inconnu. Elle les rejoint d’un bond.

« Rien de cassé ? Ça va Plume de Broussaille, et… »

Elle renifla le mâle mais il portait une odeur totalement inconnue

« Toi ? »

Le feu brûlait et il dégageait une chaleur étouffante et suffoquant. Les arbres s'écroulaient un à un. Les branches volaient, les cendres et la fumée empêchaient tout être vivant de respirer. Dans cet enfer, personne ne survivait. Des cadavres d'animaux calcinés jonchaient le sol noircit. Le ciel de cette nuit de printemps avait prit une teinte rouge. Des étincelles ardentes voletaient dans le ciel, et dès qu'elles rencontraient du bois, elles se transformaient en brasier infernal. Le chaos. C'était le seul mot assez fort pour décrire ce qui se passait. Et encore. C'était pire que le chaos ! Pire que l'enfer ! Dans ce four géant, un animal au pelage gris, ébouriffé, se frayait un chemin parmi les décombres de bois morts. Du sang ruisselait le long de son pelage. Il toussotait et n'arrivait plus à reprendre son souffle. Pourtant, il continuait de courir. Et bientôt, il arriva dans une grande étendue de terres noires. N'arrivant plus à reprendre son souffle, il s'écroula au sol. Ses yeux se fermèrent lentement. Il lutait mais ses forces le quittaient. Tout devint flou autour de lui et le crépitement des flammes ravageuses disparurent soudain, transformé pas un silence surnaturelle. La mort peut-être ? Il n'eut pas le temps de réfléchir. Tout devint noir et il sombra dans les ténèbres les plus sombres, les plus silencieuses et les plus froides.

Le soleil était bientôt à son zénith lorsqu'un jeune félin au pelage grisâtre se réveilla au milieu d'un Territoire du Clan de la Terre. Il leva la tête et, hébété, observa les alentours. Où se trouvait-il ? Il n'en avait pas la moindre idée. Comment était-il arrivé ici ? Rien, il ne se souvenait plus. Qui était-il ? Quel était son nom ? Quel âge avait-il ? Il avait complètement perdu la mémoire. Paniqué, il se leva. Il ne reconnaissait pas du tout l'endroit. Il savait que ses longs troncs parsemés de feuilles étaient des arbres. Il savait que ses pattes foulaient de la terre et de la poussière. Mais il ne se souvenait plus des choses les plus essentielles : De quel Clan venait-il ? Il ne se souvenait même pas de l'existence des Clans. Qui étaient ses parents ? Il se souvenait que tout le monde avait des parents, mais il n'arrivait plus à se rappeler des siens. Il s'assit sur le sol. Ses forces n'étaient pas totalement revenues et il ne devait pas user de l'énergie pour rien. Il observa la forêt. Comment était-il arrivé ici ? Par le nord, le sud, l'ouest ou l'est ? Un incendie semblait avoir ravagé le territoire.

"Attention !"

Quelque chose le percuta de plein fouet et il roula sur une ou deux longueurs de queues de renards, bien qu'il ne sache plus ce qu'étaient les unités de mesures des chats. Entre deux roulades, il vit un arbre s'effondré à l'endroit où il se tenait, quelques secondes avant. Bientôt, il se retrouva allongé au sol, le regard étonné. L'inconnue, qui était une chatte, se dégagea et recula. Alors, il n'était pas le seul chat de la forêt ? Eberlué, il écouta la question de la féline. Celle-ci lui demandait qui il était. Il n'eut pas le temps de réfléchir qu'un autre chat déboula. C'était une femelle, également. Plus jeune et au pelage blanc. Elle miaula :

« Rien de cassé ? Ça va Plume de Broussaille, et… »

Plume de Broussaille ? Il se doutait bien que s'était le nom de l'inconnue. Alors, ces deux chats se connaissaient ? Mais quel nom bizarre ! Broussaille ou Plume aurait suffit. Mais pourquoi Plume de Broussaille ? Il haussa les épaules. La nouvelle inconnue le renifla et demanda :

« Toi ? »

C'était à lui qu'on lui parlait ? Certainement. Il se leva rapidement, trébuchant, et recula de trois ou quatre pas. Ces chats allaient lui faire du mal ! Il ne savait pas quelles étaient leur intentions, mais il ne voulait pas le savoir ! Tremblant, il marmonna :

"Qui êtes-vous ? Et où on est ? Et pourquoi tout est brûlé, ici ?"

Nuage de Bulle vit clairement la surprise sur le visage du chat. Son odeur frustrait la novice. Elle l’avait déjà sentie ! Il portait bien sur l’odeur âcre et étouffante de la cendre et de la suie, mais en dessous, elle sentait l’odeur d’un des clans. Celui des Rocs peut-être ? Ou de la Terre ? Non, Plume de Broussaille ne sablait l’avoir jamais vu. Elle allait ouvrir la gueule pour lui demander ses origines, mais devant son expression d’incompréhension totale, elle préféra s’en passer. Il s’emblait réfléchir à où il était tout en essayant de trouver des mots pour formuler des questions. Nuage de Bulle recula d’un ou deux pas pour le laisser un peu respirer et esquissa un sourire d’encouragement. Pour l’instant, il n’y avait plus de rivalité entre les clans, le feu les avaient presque fait toute sauter… Finalement, il réussit à poser ses questions, mais en tremblant un peu.

« Qui êtes-vous ? Et où on est ? Et pourquoi tout est brûlé, ici ? »

Il.. avait perdu la mémoire ? En tout cas, il ne semblait rien comprendre de la situation. Si il était des clans, il aurait dut reconnaître un minimum nos odeurs, le territoire, avoir un souvenir de l’incendie… Sauf si il était amnésique… La novice réfléchissait un peu à tout ça, en fixant un coup Plume de Broussaille, un coup l’inconnu. En tout cas, ce n’était pas un patapouf de chat domestique, et il n’avait pas l’air d’un solitaire non plus... LA bicolore secoua sa tête, c’était compliqué d’essayer de deviner les origines de ce chat… Il avait l’air d’avoir peur et d’être perdu, il lui faisait un peu de peine… Comment serait-elle elle, à sa place ?

Pendant que la guerrière du clan allié répondit au chat tout en le rassurant, la petite bicolore s’assit à côté de la guerrière en reniflant pour chasser l’odeur du brûlé. Quand Plume de Broussaille se présenta, elle allait faire de même, mais la chatte la prit de vitesse en révélant son identité, ce qui l’a mis un peu en rogne. Elle pouvait le faire elle-même ! Sur ce territoire, elle n’était pas à son avantage, mais elle n’était pas incapable pour autant. Cependant, elle hocha humblement la tête pour confirmer. Elle allait anticiper l’annonce de l’incendie en se raclant la gorge quand la chasseuse aller lui expliquer mais… Elle avait tourné sa tête vers ses pattes, le souvenir devait être douloureux… Nuage de Bulle lui chuchota des paroles de réconfort, elle aussi se sentait mal, mais il fallait bien répondre à l’inconnu qui les regardait sans comprendre. L’apprentie s’avança d’un pas et prit la parole en pesant chaque mot.

« Il y a eu un grand incendie, il a ravagé toutes les terres, nous étions là pour faire l’état des lieux, à vrai dire… Et… Toi, qui es-tu ? Comment es-tu arrivé ici ? »

Ces questions lui taraudait l’esprit. Elle secoua la tête pour chasser les images de l’incendie, et fixa le mâle en face d’elle, comme pour chercher un certain appuis, un peu de réconfort, quelque chose pour se raccrocher. Mais peut-être ne la comprenait-il pas, il n’avait peut-être pas vécu l’incendie comme elle et tous les clans l’avaient vécu…