Le soleil brille haut dans le ciel. Celui-ci est paré de petits nuages blanc et cotonneux qu'on aimerait toucher. Je renifle les fleurs qui bordent un sentier serpentant à côté du camp. C'est le seul endroit où je peux me rendre en tant que chaton. D'ailleurs j'en suis déçue. Je suis sage, ce qui me permet de ne pas désobéir aux ordres que l'on me donne. J'espère de tout coeur être bientôt apprentie. Vivement sortir de ce camp et cette clairière qu'on surnomme "Champ des Echos". Elle est bien nommée par ailleurs car c'est vrai que ma voix, seule, séparée du camp par une vaste alignée de pins, résonne comme dans les montagnes dont on m'a si souvent parlées. Je regarde la vaste étendue d'herbes folles, de coquelicots, de jasmins et autres plantes magnifiques. Personne n'est en vue. Je me demande si je devrais oser sortir de la protection des ronces qui entourent le camp et ce champ. Juste pour jeter un coup d'oeil peut-être? Je cours de toute la vitesse que peuvent me permettre mes petites pattes de chaton de quatre lunes. Arrivée devant la haute barrière épineuse, je reviens sur ma decision. Comment escalader une telle hauteur? Je pourrais m'eclipser par la sortie principale mais je serais vite repérée. Je décide donc de passer la tête par une ouverture étroite qui m'offre la vue sur le territoire du clan.
Derrière cette prison, tout n'est que beauté et attirance. Je peux voir bruisser les feuilles au passage d'un écureuil ou d'un campagnol, mets que je n'ai pas eu le plaisir de goûter du haut de mon petit nombre de lunes. Le pins et autres arbres inconnus à ma vue s'agitent doucement à la brise. Il semblerait que leurs branches veulent attraper les habitants de la forêt de leurs aiguilles douces et rugeuses. L'odeur qui se dégage de ce paradis tire à m'appeller. Je sais que je suis sur le point de comettre une bétise mais je veux absolument faire au moins un pas sur le sol doux formé d'épines qui semblent offrir un confort de marche évident. Je passe avec peine dans la trouée, laissant quelques brins de fourrure au passage. J'aterris sur un sol où tout chat qui se respecte rêverait de se rouler. Je commence l'exploration de ce territoire inconnu puis me mets à courir, inconsciente de l'avancement vers le territoire d'un clan adverse. Puis soudain après avoir passé une odeur âcre qui me semble étrangère, une patrouille formée de chats portant la même odeur s'avance. Je dois avoir dépassé la frontière. Ils me foudroient du regard. Je sais que je peux laisser ma vie à ce petit jeu auquel j'ai voulu prendre part de mon plein gré. Ils sont près à me sauter dessus. Un guerrier du clan adverse s'avance au devant des autres. Je me sens si coupable...
- Qu'allez vous faire de moi?...

Les deux autres chats du clan adverse sont partis. Il ne reste plus que lui, chat imposant au corps robuste et musculueux. Ses épaules massives roulent sous sa fourrure. Je me sens si petite par rapport à lui!... Alors il prend la parole:
- Que fais-tu ici? Aussi loin de ton clan?
Je cherche desespèrement une excuse pour me sortir de ce pétrin.
-Et bien...
Je suis affolée. Je ne trouve aucune idée. Que va faire ce chat du clan ennemi si je ne trouve rien pour expliquer ma présence dans son territoire? Bien que je ne sois qu'un chaton, à mon avis, il n'hésiterait pas à me tuer sur le champ. Je baisse les yeux, honteuse. Je n'ai jamais fais autant travaillé mon cerveau. Mais cette fois, ma vie dépend de cette idée que je vais trouver. Je sens son regard posé sur moi. Malgré son ton sérieux, son regard est bienveillant. Mais je ne me laisse pas avoir aussi facilement. Je sais que, bien qU'il me battrait à coup sûr, si il m'attaquait je me battrais jusqu'au bout, pour mon clan, ma loyauté et pour le clan des Etoiles. C'est alors que la réponse que je dois donner apparaît dans mon esprit. j'inspire profondément et récite ces paroles comme une poésie:
- Je me suis aventurée hors du camp. La forêt et son entourage sont attirants et mystérieux. Je me suis donc glissée derrière la barrière épineuse qui protège mon clan et là, submergée par le bonheur, j'ai couru jusqu'à en oublier les frontières. Si tu m'attaques, je me défendrais. Pour mon clan, pour le clan des Etoiles. Alors vas-y, tue moi, si tu y tiens tellement. Je suis peut-être un chaton mais rien ne m'empêchera de protéger ma propre vie au prix des pires souffrances...

Je le regarde de plus en plus inquiète pour mon sort. Alors il me jette un long regard puis prend la parole.
- Il est bien triste de penser ainsi, mais dit toi qu'ici, tant que tu ne sera pas baptiser guerrier, et même une fois cela fais, tu n'auras pas à craindre pour ta vie, car selon le code dont j'ai fait le serment de respecter, je me dois d'aider tout chat en danger ou blessé, qu'il soit de mon clan ou non. Suis-moi.
Je regarde, éberluée, ce chat qui vient de m'épargner. Il aurait très bien pu me tuer, ce qui aurait affaibli le clan adverse au sien. Mais non. Il respecte le code du Guerrier. Je lève la queue, émue et le suis. Il se dirige vers la frontière puis la traverse aisèment. J'ai désormais peur qu'une patrouille de mon clan ne nous repère. Je serais sévèrement punie et ce chat au pelage noir comme l'ébène serais tué sur le champ. Je pense à ce que je ferais alors. Je le défendrais biensûr en disant qu'il m'avait épargné et ramené au camp. Même si il n'est pas de mon clan je me dois d'épargner une mort inutile. Nous traversons un ruisseau puis nous passons près d'un chène d'une hauteur inimaginable. Ensuite nous arrivons dans une grande clairière. Alors que nous nous cachons pour flairer une éventuelle odeur de mon clan, je lui pose la question qui se trouve dans ma tête depuis le début de notre voyage:
- Quel est ton nom?

Il réfléchit quelques secondes puis répond d'un ton posé:
- Crocs Argentés, fils de Balafre en Argent.
Nous continuons par delà la frontière. On voit que Crocs d'Argent ne se sent pas très à l'aise. Puis il se tourne vers moi et me demande d'un ton amical qui cache une inquiètude palpable:
- Te sens-tu capable de continuer seule ?
Je le regarde fixement:
- Oui, bien sûr. En tout cas, merci pour tout et en particulier pour... pour m'avoir épargnée et raccompagnée jusqu'ici.
Je plonge mon regard dans le sien. Je peux y lire de l'affection mais surtout une loyauté infaillible envers son clan. il semble que ce matou soit très honnète et très brave. Il n'a pas le temps de me répondre qu'une voix pleine d'amertume et que je ne connais que trop bien résonne derrière moi:
- Petite Fleur, je te retrouve enfin. Mais que fait ce chat inconnu sur notre territoire? As-tu des explications?
Je me retourne lentement. C'est bien ce que je craignais: un chat de mon clan accompagné d'une patrouille qui semblait être à ma recherche. Je cherche longuement mes mots. je ne peux que défendre ce matou qui m'a épargné et m'a reconduit près de mon camp.
- En fait, ce chat m'a épargné alors que je me trouvais par erreur sur son territoire, puis il s'est proposé à me raccompagner ici pour plus de sûreté. Et...
Je n'ose pas finir ma phrase devant le regard noir que me lance le chat de mon clan.
- Pas d'histoire! Suivez moi, tous les deux, je vous amène au camp.
Je déglutit. Dans quel pétrin ai-je fourré cet innocent?...

- Je ne vous suivrais pas. Dis-je d'un ton sûr et assuré.

Je me sens à la fois honteuse et triste. Comment ai-je pu laisser faire cela? Désormais, Crocs Argentés va êtreblessé, ou pire tué par mon meneur. Alors que je sombre dans mes pensées, son regard devient agressif et il lance:

- Je ne vous suivrais pas.

Aïe, il risque d'y laisser sa peau! J'use de toute mon intelligence pour trouver une réponse appropriée sans trop agraver son cas.

- Oui, laissez-le, il m'a épargné alors que je me trouvais sur son territoire et il a eu la gentilesse de m'accompagner jusqu'ici. N'est-ce pas le code du guerrier qui nous apprend qu'on ne tue pas si le besoin n'en ai point? Je pense que ce chat mérite de pouvoir partir vers son territoire. Ma mère m'a appris qu'il faut savoir pardonner.
Je suis fière de mes paroles. Crocs Argentés et la patrouille me regarde, hébétés. Ai-je dis une bétise?

- Petite Fleur, c'est là un manque de loyauté.

- Peut-être mais je ne veux pas laisser se produire un combat et une mort inutiles.

Crocs Argentés me regarde intensèment, une lueur d'amusement dans le regard. J'espère que mes paroles ne vont pas l'envoyer en enfer...

Le chat noir me regarde toujours aussi intensèment. Puis il sourit grandement et rentre ses griffes. La patrouille de mon clan me regarde toujours, bouche-bée. Alors Crocs Argentés lance:

- Vous avez là d'excellent futur guerrier... Tâchez d'en prendre soin.

Je souris de toutes mes petites dents blanches. le compliment me va droit au coeur. Je suis en train de lier une amitié avec un chat ennemi de surement plus d'une dizaine de lunes que moi. Il semble être heureux de mon intervention. J'espère en tout cas qu'il m'aime bien. Bien que chaton, j'ai des sentiments d'aussi bonne qualité que quiconque. Les patrouilleurs sont figés. Il semble qu'il ne respirent même plus. Qu'ai je fais pour les mettre dans un tel état? Alors que je suis plongée dans mes réfléctions, Crocs Argentés prend la direction de son territoire. Alors qu'il va pénétrer dans les broussailles, je me lance à sa poursuite.

-Crocs Argentés! Je... je voulais encore te remercier. Et te dire que tu as été très brave de ne pas accepter de te rendre à mon camp. Sans cela, je n'aurais pu intervenir et tu aurais peut-être été tué. Et... je voulais aussi te...te...

J'hésite. Ce que je pense est déplacé mais je ne peux me retenir. Je me jette contre sa fourure couleur charbon et me frotte contre lui. Je sais bien que c'est exagéré, mais je le considère désormais comme un ami cher et plus encore... peut-être le père que je n'ai jamais eu.

Tandis que je songe au geste déplacé que je suis en train de faire Crocs Argentés me repousse gentiment de la patte et me dit d'un ton qu'il veut ferme:

- Tes compatriotes et les miens nous verraient d'un mauvais œil, si nous revenions avec l'odeur d'un autre clan sur la nôtre, n'est-ce pas ?

Je réalise que Crocs Argentés a totalement raison. Je m'éloigne très rapidement de lui avec un air gêné. Il me sourit gentiment puis s'éloigne à travers la dense végétation. Je le suis des yeux puis rejoins mes camarades de clan. L'un d'eux dit à l'autre de rentrer. Que veut-il de moi pour rester là, prostré, et vouloir être seul en face de mon petit corps de chaton? Soudain il s'abat sur moi d'un air féroce. Je pousse un cri d'agonie. Le traitre! S'attaquer à un chaton sans défense! J'ai juste le temps de le voir abattre sa patte sur moi avant de sombrer dans les ténèbres.

- Au secours! On m'attaque!!!!

[Fin du RP]