Les bourrasques faisaient voleter les feuilles des arbres. Au loin, l'on pouvait entendre le violent son de l'eau s'écrasant sur les rochers, bruit reconnaissable à une cascade. Même si l'on entendait pas grand-chose, la cascade étant presque entièrement gelée. On la sentait d'ici, le sol humide prouvait son existence. L'odeur du calcaire aussi flottait dans les airs, identifiable pour chaque félin. Le vent devait bien l'agiter, comme il le faisait avec mon pelage tricolore.

J'étais venu ici en repérage, pour reconnaître les différents lieux de mon "clan". Il était assez grand, et je m'était perdu en traversant la plage. Un guerrier ou même un de leurs apprentis pourrait retrouver son chemin à l'odeur, mais je détestait toutes ces pratiques claniques et de plus, je n'étais arrivé ici que depuis une lune.

En essayant de retrouver l'emplacement du camp, j'étais tombé ici, un territoire complètement inconnu. Si je ne pouvais pas identifier chaque odeur de clan et dire quel chat venait de quelle tribu, je pouvais quand même les différencier. Et là, plusieurs senteurs flottaient dans l'air, mélangées. Deux en particulier étaient plus fortes, comme si deux félins étaient toujours là. Oui, je savais quand même ça, les "solitaires" n'étaient pas complètement ignares, ils étaient débrouillards. Peut-être même plus que les chats de clan, nous, nous n'avions personne pour nous aider. Notons bien que je déteste dire solitaire. C'est un mot de clan. Ma mère et moi n'étions pas solitaires, puisque nous étions ensemble...

L'odeur des deux chats était toujours là. Je me rapprochai doucement. Ils n'étaient pas du même clan, ça c'était sûr, et pourtant ils étaient ensemble sans s'attaquer. J'avais dû atterrir dans les fameuses "Terres libres". Une senteur en particulier m'était familière. J'humait doucement, pour reconnaître celle du... de mon clan, le clan du Sable. Génial. Je suis tombé sur un matou qui doit me détester, comme près de tout le reste de la tribu, soit-disant parce que j'était antipathique, solitaire (dans les deux sens du terme), que je détestait les clans et leurs coutumes - pas faux -, etc. Je m'en fichai, vu que je les détestait moi aussi.

Je trouvais un trou dans les feuilles d'un buisson et puis apercevoir un grand chat noir et musclé, couché d'un air hautain, dévisager une guerrière rousse flamboyante assise elle sur la cascade gelée. C'était dangereux, elle pourrait craquer. Et je ne sais pas si quelqu'un viendrait à son secours, je n'allais quand même pas me mouiller les pattes pour un vulgaire chat de clan ! J'avais mieux à faire !

Ce dernier, ou plutôt cette dernière, l'ignorait royalement. Duel du regard, en quelque sorte. Si on m'avait dit avant que c'était comme ça que leurs guerriers se battaient, je n'aurait jamais mis les pattes ici. Bon, si ma mère n'avait pas... disparu, je n'aurais pas non plus mis les pattes ici.

Décidant de rompre le silence, je sortait du buisson et, un air hautain collé sur le visage, je lançais sèchement :

- Qu'est-ce que vous êtes intéressants. J'espère qu'il y a mieux à espionner, parce que là, c'est franchement pas passionnant.

J'attendais leur réponse. J'espérais qu'ils s'énerveraient, une petite joute verbale, c'était tout ce qui me manquait.

Le chat gris me dévisageait depuis un certain temps maintenant. Si je n'étais pas la bienvenue, il n'avait qu'à me le dire au lieu de m'envoyer toute sa mauvaise volonté, me laissant clairement entendre que je ferais mieux de m'en aller. J'essayais de ne rien dire, m'énerver maintenant n'aurait pas été une très bonne idée. Au moment où j'allais le lui faire remarquer, je sentis une odeur, très familière d'ailleurs. Normal, c'était celle de mon clan. Je me redressai et levai les yeux au ciel. Ils s'étaient donné rendez-vous ou quoi ? Les buissons frémirent et c'est un jeune apprenti qui en sorti.
Nuage de Lierre. De tous les apprentis, il avait fallu que ce soit le plus tronche de lard qui vienne. Je fermais les yeux, décidant de l'ignorer lui aussi. Je m'avançai quand même pour ne plus être assise sur la glace, évitant à mes coussinets de souffrir plus. La poudreuse était plus confortable, mais quand même trop froide à mon goût. J'espérai que l'apprenti se tiendrait tranquille mais ça ne devait pas être ma journée car il brisa le silence régnant et dit :

- Qu'est-ce que vous êtes intéressants. J'espère qu'il y a mieux à espionner, parce que là, c'est franchement pas passionnant.

Je me retins de laisser échapper un rire narquois. S'il veut espionner, les terres libres ne sont pas vraiment le meilleur endroit pour cela. Je me décidai à lui répondre d'un ton totalement désintéressé.

- C'est dommage, n'est-ce pas ? Alors qu'est-ce que tu fais encore là ? Il y a d'autres endroits bien mieux pour cela.

Et j'ajoutai dans un murmure, à moitié pour moi-même.

- Faut les connaître aussi...

Et je posai ma tête sur mes pattes, laissant mes yeux fermés, lui faisant bien comprendre que je n'étais pas d'humeur à papoter.

Je vis la chatte réprimer un sourire. Elle devait sans doute se retenir de rire. Etrange réaction... au moins, je ne suis pas tombé sur un flemmard qui a peur de se disputer avec un simple apprenti. J'espère qu'elle vanne bien, ce serait intéressant.

- C'est dommage, n'est-ce pas ? Alors qu'est-ce que tu fais encore là ? Il y a d'autres endroits bien mieux pour cela. Faut les connaître aussi..., rajouta-t-elle dans un murmure.

... Effectivement, elle vanne bien. Enfin, si elle savait ce que je pensais qu'eux, elle n'aurait pas dit ça. Parce que, franchement, je me pose tous les jours en moi-même la même question. Qu'est-ce que je fous là ? Ma place n'est pas dans une tanière, collé à plusieurs autres chats. Elle n'est pas coincée dans un camp, devant se dévouer corps et âme à un félin en qui je n'ai aucune confiance. Elle n'est pas non plus à attraper des proies sans pouvoir les manger, à devoir nettoyer la litière de vieux chats capricieux et gâteux. Ma place est dans les plaines, dans la forêt, à courir, sans devoir obéir, juste ma mère et moi. Je n'ai qu'un seul maître : la liberté. Le plaisir de changer de toit chaque jour, de poursuivre une souris pour la dévorer ensuite. Ma place est avec ma mère.

Et c'est généralement à cette phrase que je me rappelle que c'est pour ça que je suis ici. Ma mère a été fauchée par un monstre, car elle était poursuivie par des... guerriers. Du clan de la Terre. Et pourtant, il n'y avait aucun corps. Je suis persuadé qu'elle est vivante, et je la retrouverait.

Si je disais tout ça à cette chatte, est-ce qu'elle comprendrait ma haine des guerriers et des clans ? Mon apparence hautaine et associable, qui devient maintenant ma véritable identité ? Mes répliques cruelles, mes actes sans pitié ?

Mais de toute façon, elle ne le saura jamais. Personne ne le saura jamais. Quand j'aurais retrouvé ma mère, je sèmerai la zizanie dans les clans - je suis très fort pour ça -, je détruirait le Clan de la Terre et on s'enfuira tous les deux. Je l'entends déjà m'appeler de mon vrai nom.

" Lierre, tu viens ? Ce lapin ne va pas t'attendre."

Alors, pourquoi le dire à quelqu'un ?

Je secoue la tête, sortant de mes pensées. En face de moi, la chatte a fermé les yeux et a posé la tête sur ses pattes, voulant me faire comprendre que la discussion s'arrêtait là. Dommage pour elle, je suis loin d'être clément.

- Je vais te dire, je préfèrerai mille fois ne pas connaître ces lieux que de me retrouver dans ces clans, avec des... guerriers, je crachais presque ce mot. Enfin, guerrier est un bien grand mot pour vous, murmurai-je dans une imitation de la chatte.

Malheureusement pour moi, Nuage de Lierre ne semblait pas d'humeur à se taire. Il lança en crachant à moitié :

- Je vais te dire, je préfèrerai mille fois ne pas connaître ces lieux que de me retrouver dans ces clans, avec des... guerriers.

Il ajouta en murmurant comme je l'avais fait auparavant.

- Enfin, guerrier est un bien grand mot pour vous.

En temps normal, je me serais énervée. Mais je connaissais la nature mauvaise et hautaine de l'apprenti. Je n'avais rien à lui prouver et je n'allait pas lui faire le plaisir de me mettre en colère, même si ma fierté ne demandait que à ce que je le fasse. Si il détestait les clans, il n'avait qu'à pas venir, même si je sentais que c'était beaucoup plus compliqué que ça. Mais cela ne me regardait pas et pour être honnête, je m'en fichais royalement. Je lui répondis en agitant la queue et en lui parlant du même ton que précédemment.

- Tant mieux pour toi !

J'ouvris un tout petit l'oeil de manière très discrète pour regarder le guerrier gris. Je me demandais ce qu'il pensait, parce qu'il faisait un peu décoration en ce moment et je devais avouer que je trouvais cela assez drôle d'ailleurs.

La chatte frémit, mais ne montra aucun signe de colère. Au contraire, ses traits étaient détendus et ses muscles relâchés.

- Tant mieux pour toi !

Tant mieux pour toi ? Moi qui la prenait pour une battante... Elle ne répond même pas. Elle paraît fatiguée. Les chats comme ça ne sont pas drôles, elle n'a aucune répartie cette.... comment s'appelle-t-elle ? Je n'ai pas pris la peine d'apprendre les noms des chats du clan, ça ne me semble pas bien nécessaire. Après tout, je n'ai aucun contact avec eux, et si eux connaisse mon prénom, c'est parce que mon arrivée dans le clan et la décision d'Etoile d'Aurore de me garder a fait sensation. Et aussi parce que je leur tape sur le système.

L'autre chat, par contre, le noir, s'est raidi à mes mots. Il semble plus digne que celle de "mon" clan. Il se lève subitement pour s'avancer vers moi. Mon premier instinct aurait été de reculer, mais j'ai depuis longtemps appris à contrôler mes gestes. Extérieurement, je paraît hautain, arrogant et sûr de moi, mais l'aura négative presque palpable émanant du chat me donne envie de reculer.

Ouvrant la gueule, il me lança :


- Je ne connais ni ton nom, ni même ton histoire, jeune chat. Mais contrairement à ton semblable, je ne peu pas rester de marbre devant quelqu'un qui ose insulter le nom que se son donner des générations de chat, qui se sont battus, qui ont vécu, et en on mourus, pour en préserver les idéaux et valeurs. Tâche de traiter ces chats qui, bien avant que ta mère ne te mette au monde, on donner leur vies pour que tu puisse avoir de quoi te nourrir chaque matin de ton insignifiante existence.

Je me raidis et sortit les griffes à l'évocation de ma mère. Si ce stupide guerrier savait... ! Et puis ses arguments étaient totalement erronés. Je n'avais jamais eu besoin de quelqu'un, à part peut-être ma mère, pour me nourrir. Il disait ne pas connaître mon histoire, eh bien justement, s'il la connaissait, il n'aurait jamais dit ça. Enfin, au moins un chat qui répliquait !

Je forçais mes muscles à se détendre et rentrais mes griffes. Mon sourire narquois avait repris place sur mon visage ainsi que mon air arrogant. A mon tour, je disais :

- Pour ton information, je n'ai rejoins ces clans et leurs "idéaux et valeurs", comme tu dis, qu'il n'y a à peine une lune. Je n'ai jamais eu besoin de personne pour chasser et manger, et je n'en ai toujours pas besoin. Après, ce n'est pas ma faute si votre "code du guerrier" interdit de manger les proies que l'on a soi-même chassé. Si être guerrier signifie se battre, chasser et mourir, tous les chats en mériteraient le noms. Quand à tes histoires d'idéaux... Quel est l'idéal des guerriers, exactement ? Pouvoir se nourrir ? Les solitaires et les chats errants y arrivent très bien. Avoir de la mousse au-dessus de sa tête ? Idem. La paix ? Alors pourquoi vous vous battez sans arrêt ? Si vous respectez ces valeurs, c'est seulement parce que vous êtes nés ici. Je suis peut-être un ancien solitaire, mais au moins, je peux juger vos clans avec objectivité. Et le tableau... n'est pas vraiment positif ni beau.

Le guerrier gris semblait furieux des paroles de Nuage de Lierre et, contrairement à moi, lui ne se laissa pas faire. Je commençai à regretter de ne pas mettre emporter mais je savais que cela ne servirait à rien. Le chat du clan du ciel répondit d'un ton mécontent :

- Je ne connais ni ton nom, ni même ton histoire, jeune chat. Mais contrairement à ton semblable, je ne peux pas rester de marbre devant quelqu'un qui ose insulter le nom que se son donner des générations de chat, qui se sont battus, qui ont vécu, et en on mourus, pour en préserver les idéaux et valeurs. Tâche de traiter ces chats qui, bien avant que ta mère ne te mette au monde, on donner leur vies pour que tu puisse avoir de quoi te nourrir chaque matin de ton insignifiante existence.

Une minute ! Il ne sous-entendait quand même pas que le fait qu'il insulte les guerriers me laissait indifférente ?! J'ai aussi ma fierté ! Je me redressai doucement, essayant de me calmer. J'avais l'impression qu'une bagarre allait éclater. Je vis du coin de l'oeil Nuage de Lierre se raidir mais il reprit son sourire arrogant et lança :

- Pour ton information, je n'ai rejoins ces clans et leurs "idéaux et valeurs", comme tu dis, qu'il n'y a à peine une lune. Je n'ai jamais eu besoin de personne pour chasser et manger, et je n'en ai toujours pas besoin. Après, ce n'est pas ma faute si votre "code du guerrier" interdit de manger les proies que l'on a soi-même chassé. Si être guerrier signifie se battre, chasser et mourir, tous les chats en mériteraient le noms. Quand à tes histoires d'idéaux... Quel est l'idéal des guerriers, exactement ? Pouvoir se nourrir ? Les solitaires et les chats errants y arrivent très bien. Avoir de la mousse au-dessus de sa tête ? Idem. La paix ? Alors pourquoi vous vous battez sans arrêt ? Si vous respectez ces valeurs, c'est seulement parce que vous êtes nés ici. Je suis peut-être un ancien solitaire, mais au moins, je peux juger vos clans avec objectivité. Et le tableau... n'est pas vraiment positif ni beau.

Je grimaçai. Je n'étais pas né dans les clans moi non plus, mais j'avais décidé de suivre le code du guerrier sans me poser de question et ce qu'il venait de dire me mettait hors de moi. Je m'approchai d'eux et voulu prendre la parole mais le guerrier gris me devança :

- Sais-tu seulement pourquoi, alors que dans les temps anciens, nous étions tous unis, nous sommes nous scinder ? Non. Sais-tu seulement, que c'est à cause de chat, dont l'arrogance n'avait d'égal que leur soif de pouvoir et de contrôle, que tout ce termina dans un bain de sang ? Non. Mais, toi, qui, d'après ce que j'ai compris, n'a aucun appartenance direct à aucun clan. Toi, qui ne connaît même pas ce qui fait du Code du Guerrier ce qu'il est. Toi, qui ose manquer de respect, à ceux qui pourront te sauver la vie dans les temps à venir, tu oses critiquer d'un avis totalement négatif, ce que nous, chat guerriers, avons battis ? Tu oses parler d'avis objectif, alors que tu n'es dans ton clan que depuis une lune ? Tss, ne me fait pas rire. Une demi-portion ignorante tel que toi, n'as absolument pas le droit de nous juger.

Et il ajouta en le regardant de haut :

- De plus, tu apprendras, que tu sois en Terre Libres ou pas, que manquer de respect à un guerrier d'un clan qui n'est pas le tiens, est la pire des choses que tu puisse faire, en tant que chat de clan. Car, si ce manque de respect, en vient à offenser le chat en face de toi, il n'hésiteras surement pas à te sauter à la gorge, afin de te faire regretter tes paroles. Petit Mulot.

Je sentais la bagarre arrivait et pris la parole d'abord en parlant à Nuage de lierre :

- Et puis, si c'est si nul que ça, la vie dans les clans, personne ne te retient ! La paix ne vient pas comme cela, les disputes et les rancoeurs ne s'effacent pas du jour au lendemain !

Et je lançai au guerrier gris :

- Et ne pense pas que je me fiche de la fierté du nom du guerrier, c'est juste que je sais que quoi qu'on puisse dire, on ne change pas l'opinion des gens aussi facilement ! D'ailleurs, je ne pense pas que se battre va améliorer son opinion. Tu viens de faire exactement ce qu'il espérait que tu fasses.

Je fermai les yeux, criant mentalement contre moi-même. Ma fierté avait encore pris le dessus et ça m'énervait.

- Sais-tu seulement pourquoi, alors que dans les temps anciens, nous étions tous unis, nous sommes nous scinder ? Non. Sais-tu seulement, que c'est à cause de chat, dont l'arrogance n'avait d'égal que leur soif de pouvoir et de contrôle, que tout ce termina dans un bain de sang ? Non. Mais, toi, qui, d'après ce que j'ai compris, n'a aucun appartenance direct à aucun clan. Toi, qui ne connaît même pas ce qui fait du Code du Guerrier ce qu'il est. Toi, qui ose manquer de respect, à ceux qui pourront te sauver la vie dans les temps à venir, tu oses critiquer d'un avis totalement négatif, ce que nous, chat guerriers, avons battis ? Tu oses parler d'avis objectif, alors que tu n'es dans ton clan que depuis une lune ? Tss, ne me fait pas rire. Une demi-portion ignorante tel que toi, n'as absolument pas le droit de nous juger.

Qu'est-ce que je me fiche de cette histoire. Je ne sais rien du passé des clans, et franchement je m'en tape. Pourtant, quelque chose me fait tiquer dans ses paroles, et je me rappelle l'air nostalgique de ma mère quand elle regardait la forêt, quand elle m'en parlait comme si elle la connaissait.

"Mais, toi, qui, d'après ce que j'ai compris, n'a aucun appartenance direct à aucun clan."

Hum... Il va falloir réfléchir à ça. Mais sinon, ce qu'il raconte est quand même intéressant. C'est donc à cause d'autres chats qu'ils se sont séparés en plusieurs clans ? Parce que ça les affaiblit, de devoir séparer la forêt en quatre territoires. Je me demande ce que ça donnerait si ils se scindaient encore, et encore. Ça aussi, c'est intéressant. Et puis, il suffit de voir l'état de colère de ce chat pour se rendre compte que je suis doué pour énerver les gens.

Pendant que je réfléchissais, le grand guerrier a traversé la rivière gelée, seul obstacle qui nous séparait encore. Là aussi, il faut me faire violence pour ne pas reculer. Non, je n'ai pas peur... Je n'ai peur de personne. Il faut avouer qu'il est assez inquiétant, mais ses phrases pleines d'idéaux et de loyauté dégoulinants me répugnent.

Arrivé devant moi, il me toisa de toute sa hauteur avant de parler :

- De plus, tu apprendras, que tu sois en Terre Libres ou pas, que manquer de respect à un guerrier d'un clan qui n'est pas le tiens, est la pire des choses que tu puisse faire, en tant que chat de clan. Car, si ce manque de respect, en vient à offenser le chat en face de toi, il n'hésiteras surement pas à te sauter à la gorge, afin de te faire regretter tes paroles. Petit Mulot.

Il n'oserait quand même pas attaquer ? Je préfère la joute verbale à physique. Et puis, je ne ferais vraiment pas le poids. L'autre guerrière, là, qui ne dit rien, est-ce qu'elle me défendrait ? Sans doute pas, personne ne me défendrai. Il faut dire que moi non plus, je ne vais quand même pas être blessé pour des chats que je déteste ! Et puis, le principe des Terres Libres est quand même d'être en sécurité, non ? Si même les guerriers ne respectent pas leur code ! Et après, on ose insulter les chats errants.

La guerrière rousse s'est approchée de nous tandis que le chat noir parlait. C'est à son tour d'ouvrir la gueule pour dire :

- Et puis, si c'est si nul que ça, la vie dans les clans, personne ne te retient ! La paix ne vient pas comme cela, les disputes et les rancoeurs ne s'effacent pas du jour au lendemain !

Tournant la tête vers le chat, elle lui lança à lui aussi :

- Et ne pense pas que je me fiche de la fierté du nom du guerrier, c'est juste que je sais que quoi qu'on puisse dire, on ne change pas l'opinion des gens aussi facilement ! D'ailleurs, je ne pense pas que se battre va améliorer son opinion. Tu viens de faire exactement ce qu'il espérait que tu fasses.

Un sourire sardonique se forma sur mes lèvres tandis que je prenait une expression narquoise. Si ça se trouve, ils allaient se disputer entre eux ! Ça, ce serait vraiment marrant. Cette chatte est plus intelligente que je ne le pensait. Elle a parfaitement cerné mes intentions, mais ça doit aussi être la force de l'habitude.

Je fis d'abord au guerrier gris :

- Parce que tu oserais attaquer un apprenti ? Eh bien, ne viens pas me raconter tes histoires d'idéaux, parce que ce n'est pas un merveilleux exemple de courage.

Puis, je m'adressais cette fois à la chatte, un sourire sombre collé au visage.

- Mais qui t'as dit que j'allais rester .

Nuage de Lierre sourit méchamment, d'une manière assez moqueuse. Il espérait quelque chose, je ne savais pas exactement quoi. Une dispute peut-être ? Qu'il ne compte pas sur moi pour cela, je n'étais vraiment pas d'humeur, voulant être seule au départ. Mais la colère du guerrier gris commença à m'inquiéter. Il fallait éviter qu'il fasse une bêtise. Je vis Nuage de Lierre s'approcher du chat du clan du Ciel et lui dire :

- Parce que tu oserais attaquer un apprenti ? Eh bien, ne viens pas me raconter tes histoires d'idéaux, parce que ce n'est pas un merveilleux exemple de courage.

Là c'était sûr, il cherchait à énerver le chat gris. Je lançai d'une voix assez ironique, remarquant qu'il se contredisait lui-même.

- Tu te considère comme un apprenti maintenant et tu comprends ce que ça veut dire ? Faudrait savoir !

Mais l'apprenti ajouta à mon intention :

- Mais qui t'as dit que j'allais rester ?

Je restai silencieuse un moment. Il y avait pas de logique dans la suite de ses propos. Je lui dis assez bas, avec un regard méfiant.

- C'est bizarre que tu ne l'ais pas déjà fait.

Il cachait quelque chose, j'en étais certaine. Je lançai un regard en coin au guerrier gris, attendant sa réaction et en espérant qu'il soit assez intelligent pour ne pas tomber dans la provocation.