Seule sur son rocher, elle agonise.
Son coeur, son corps, ne sont plus rien. Son esprit, son crâne ont volé en éclat en même temps que sa raison. Dans son crâne le rugissement de souffrance ne s'atténue pas. Il continue de résonner, inlassable, inépuisable, intarissable. Toujours plus fort, toujours plus puissant, il est de plus en plus dévastateur. Tout son être n'est que folie en ce moment précis et plus que jamais elle a mal. Plus que le jour où elle a du frôler la mort pour mettre au monde ses trois chatons. Plus que le jour où elle a appris que son propre père était un infâme traitre. Plus que le jour où elle a compris qu'elle était amoureuse du chef d'un clan rival. En ce moment précis son monde, cette tour dans laquelle elle résidait, son ilot de paix et de bonheur, sa vie, qu'elle avait mis tant de temps à bâtir s'effritait et s'écroulait lentement sous ses pattes impuissantes, sous son regard horrifié. Elle se rend pour la première fois compte que les fondations de sa félicité son bancale, que tout ne tenaient en place que grâce à l'absence de vent.
Mais aujourd'hui vent souffle, en rafale, détruisant tout que ce soit les siens, sa forêt, son clan ou sa propre personne. Elle n'était rien, plus rien d'autre qu'une poupée de chiffon sans âme ballottée par les souffles rageurs du zéphyr infatigable. Soudain elle était lasse de ces visages haineux, de tous ces félins qui me dévisagent comme une bête de foire. Qu'attendent-ils de de moi ? Que d'un coup de baguette magique, je fasse revivre la forêt,  que je ressuscite les morts et que je guérisse les blessés ? Mes griffes crissent désagréablement sur la pierre. L'envie de me jeter dans cette masse, de faire couler le sang me consume, circule dans mes veines comme de l'adrénaline. Le brasier qui m'anime continue de grossir, alimenter par la haine que j'y jette. Plus que tout au monde je les hais et mon coeur ne bat qu'alimenté par ce ressentiment affreusement amère. Je les hais et un jour je les ferai payer.

Des félins parlent, prennent la parole mais elle ne les entend pas. Elle entend leurs mots, y réfléchit mais elle est dans une sorte de transe, comme dans un état second. Elle se sent à côté de son corps comme si elle n'était pas parmi cette horde de félin comme si elle n'appartenait pas, appartenait plus à cette forêt, à ces clans. Comme si elle leur était étrangère et que sa place n'était pas ici. Etait-ce le cas  ? Son regard se pose sur ce félin. Crocs Argentés. Sa voix grave, affreusement mélodieuse attire l'attention, capte, convint. Il est redoutable, de toute évidence. Son corps musclé, ses lignes saillantes, ses muscles nerveux, son pelage de lune, tout attire en lui. Ne connait-il donc aucune souillure à part son orgueil, ce chat de l'enfer ?
Les paroles de Souffle des Alouettes retiennent néanmoins son attention. Malgré l'air décalé de ce félin bicolore, il a raison cela ne fait aucun doute. Brûler la forêt n'est pas une action irréfléchie et impulsive. Cette décision est le fruit de longue réflexion. Cette punition devait être méritée. Nous l'avions méritée.

Cependant elle avait l'impression qu'elle aurait dû réagir à quelque chose. Qu'elle aurait dû crier, s'époumoner, s'horrifier d'une décision, d'un choix ? Duquel ? Elle ne savait pas. Mais son instinct lui soufflait de reconnecter les fils, de revenir parmi ces pauvres fauves déchus qui avaient besoin d'elle. Voulaient-ils de l'aide qu'elle s'apprêtaient à leur offrir ? Sans doute pas.
Ah oui, ça lui revenait. Etoile de la Buse et le Clan des Etoiles. Cette décision ne l'étonnait guère. Qu'attendre de lucide d'une reine ayant perdue son compagnon suite à un incendie ? Pitoyable cette forêt, ses habitants et tout ce qui s'y trouve n'est que foutaises. A ses yeux c'est l'endroit le plus horrible du monde. Un enfer, peuplé de bourreau sadique qui s'amusaient à détruire les dernières limbes de son âme. Indifférente aux nouvelles paroles de Crocs Argentés elle lève la tête vers la lune. Haute dans le ciel, elle entame lentement sa descente, sa lumière argentée éclairant toujours les quatre majestueux chênes. Le ciel d'encre, l'immensité et ses étoiles sont toujours aussi paisible, froid, insensible. Tellement cruel. Tellement lâche. Même pas la force de se montrer après leur immonde acte.

Portée par une nouvelle conscience qui s'immisce dans son esprit, elle s'avance d'un pas souple. Elle n'est plus elle. La cheffe d'autre fois n'est plus. Ces êtres l'ont assassinée et ont abandonné son cadavre baignant dans son propre sang, la gorge tranchée. Enfin c'est ainsi qu'elle se représentait son changement brutale dans sa tête. Ce soir elle était heureuse.. A présent elle était vide. Une carapace inanimée, un pantin qui obéit aux mouvements que lui dictent les fils qui l'emprisonnent. Elle pénètre dans un rayon de lune qui le redonne un semblant de majesté.

« - Il suffit ! Le passé est le passé, nous haïr, nous chasser, nous tuer ne fera pas changer la chose. Il semble que de toute évidence, cette assemblée se soldent en un dialogue de sourd je ne vois donc pas l'utilité de la poursuivre. J'ai présenté mes excuses à tous les chats ici présent je ne peux pas faire plus dans l'immédiat. Cependant, en ce qui concerne qui dirige le Clan du Sable et bien cela ne regarde que moi et les miens, aucun d'entre vous. Et comment sont appelés où dirigés les autres clans, ne nous regardent pas. Elle lança un regard appuyé à Crocs Argentés avant de se tourner vers Etoile de la Buse et de promptement s'incliner. Je comprends ton choix. N'oublie pas cependant que tous n'ont pas autant souffert que toi et que certains dans ton clan, ont encore la foi. Elle s'avança à nouveau au bord extrême du rocher, parcourant l'assemblée du regard. Chats de tous les clans, n'oubliez pas que cet  incendie ne signe pas la fin de la forêt mais son renouveau. De ses cendres, elle renaitra à nouveau, plus puissante qu'avant. N'oubliez pas que cet incident ne sonne pas la fin de notre histoire, mais marque simplement un nouveau chapitre dans l'ère de celle-ci, dans l'ère des clans. Sur ce, l'assemblée est terminée.  »

Quand elle touche le sol dans un bruit mat, elle ne prit même pas la peine d'écouter les feulements, les murmures admiratif ou les injures qui la suivent. Elle se contente d'avancer en ligne de droite, et de prendre la tête des siens qui s'étaient déjà rassemblés et de s'enfoncer dans les fourrés sans un mot, sans un regard. Durant le chemin du retour, elle se limite à courir, distançant les autres, simple silhouette primitive et brisée qui n'a même plus la force de pleurer. Elle pénètre dans le camp endormi et s'arrête quelques instants avant les autres. Elle écoute le silence, les respirations calmes et paisibles qui contrastent avec le chaos las qui règne en elle. A bout de force elle regarde ses compagnons regagner leur tanières, avant de péniblement se trainer sur le promontoire. La roche lisse, familière l'apaise. Epuisée elle se demande pourquoi elle lutte, si ça en vaut encore la peine, si elle a déjà tout gâché. N'y a-il donc aucune chance de revenir en arrière, aucun espoir de rédemption ? Elle relève la tête et perdit son regard dans les astres nocturnes, le coeur lourd, l'esprit en morceaux. Elle est souillée, brisée, délaissée, détruire, abandonnée.
Seule sur son rocher, elle est morte.

L'assemblée est désormais terminée.
Merci à tous ceux qui ont répondu, et tout ceux qui ont alimenté le débat. J'ai jamais vu un assemblée aussi géniale, vraiment.
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Merci encore une fois, j'ai adorer jouer Aurore là dedans. Bravo à tous. ♥